Bien que l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes soit inscrite dans le Code du travail depuis 1973, les écarts de rémunération entre les salariés des deux sexes subsistent, dans la pratique, encore trop souvent. Aussi, la loi no 2006-340 du 23 mars 2006 et la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ont renforcé ce principe et soumis les entreprises à une obligation générale de résultats (suppression des écarts salariaux, sous peine de sanctions).
Le principe
L’employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.
Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles, consacrées par un diplôme, un titre ou une pratique professionnelle ou bien encore un ensemble comparable de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Cette égalité doit être respectée entre des fonctions différentes lorsque celles-ci sont d’importance comparable dans le fonctionnement de l’entreprise : DRH et directeur commercial et financier, par exemple (Cass. soc., 6 juillet 2010).
La rémunération s’entend du salaire de base, ainsi que de tous les autres avantages et accessoires payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur, et qui viennent en complément du salaire proprement dit.
Les différents éléments qui composent le salaire mais aussi les catégories, les critères de classification et de promotion et les modes d’évaluation des emplois doivent être communs aux deux sexes.
La Cour de justice de l’Union européenne a étendu cette obligation à d’autres éléments comme les indemnités de licenciement (CJUE, 8 juin 2004) ou les pensions de retraite servies par les régimes professionnels financés par l’entreprise (CJUE, 17 mai 1990).
le principe de l’égalité de rémunération a été institué essentiellement dans le but d’assurer la protection des salariées. Il peut cependant être revendiqué par les hommes lorsqu’ils s’estiment « lésés » par rapport à leurs collègues femmes. Il a ainsi été jugé qu’un congé supplémentaire pour enfant à charge (Cass. soc., 5 décembre 1996), une prime de crèche (Cass. soc., 27 février 1991) ou une allocation pour frais de garde des enfants (Cass. soc., 8 octobre 1996) prévus par une convention collective et réservés aux seules mères de famille devaient également être accordés aux pères de famille qui répondaient aux autres conditions fixées pour en bénéficier.
Les obligations d’information et de négociation de l’employeur
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux de travail ou dans ceux où se fait l’embauche, l’employeur doit informer par tout moyen le personnel y ayant accès du texte des articles 225-1 à 225-4 du Code pénal et des articles L. 3221-1 à L. 3221-7 du Code du travail relatif à l’égalité de rémunération ainsi que ses textes d’application. En l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle, la synthèse du plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes est déposée par l’employeur sur la plateforme de télé-procédure du ministère du Travail. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, un index de l’égalité femmes-hommes doit être publié chaque année au 1er mars sur le site Internet de l’entreprise ou, à défaut, par tout autre moyen d’affichage (voir ci-dessous).
À défaut d’accord de branche, qui peut définir un calendrier différent (dans la limite d’une négociation tous les 4 ans au moins), une négociation sur ce thème est obligatoire dans les entreprises dotées d’un délégué syndical :
- chaque année, dans le cadre de la négociation sur les salaires, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération ;
- tous les 3 ans sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage destinées à remédier aux inégalités constatées. La négociation porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et sur les conditions de travail et d’emploi (et notamment celles des salariés à temps partiel).
Dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de négociation annuelle, l’employeur doit prendre en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et mettre en œuvre les mesures permettant d’atteindre cet objectif.
La même obligation de résultat est instituée au niveau des branches professionnelles :
- la négociation sur les salaires doit définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération femmes/hommes ;
- pour pouvoir être étendue, une convention de branche conclue au niveau national doit obligatoirement contenir une clause concernant la suppression de ces écarts.
Les entreprises de plus de 49 salariés qui ne se conforment pas à leurs obligations en la matière (absence d’accord, absence de plan d’action, non-publication des indicateurs annuels relatifs aux écarts de rémunération et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, absence de mesures de correction de ces écarts et absence de mesures financières de rattrapage salariale, etc.), dans les 6 mois suivant la mise en demeure de l’inspecteur du travail, peuvent se voir appliquer une pénalité financière égale au maximum à 1 % de leur masse salariale nette au cours des périodes concernées.
L’index de l’égalité femmes-hommes
Les entreprises d’au moins 50 salariés ont l’obligation de publier chaque année un index de l’égalité femmes-hommes. Celui-ci regroupe 4 à 5 indicateurs relatifs aux écarts de rémunération :
- l’écart de salaire entre les femmes et les hommes, à postes et âges comparables : cet indicateur est calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents (0 à 40 points) ;
- l’écart de répartition des augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes (0 à 20 points) ;
- le pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité, dès lors que des augmentations sont intervenues en leur absence (0 à 15 points) ;
- le nombre de femmes et d’hommes parmi les 10 plus hautes rémunérations de l’entreprise (0 à 10 points) ;
- pour les entreprises de plus de 250 salariés, un cinquième indicateur est mesuré : l’écart de répartition des promotions entre les femmes et les hommes (0 à 15 points).
Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 détaille, tableaux à l’appui, le mode de calcul pour chacun de ces indicateurs. Dans les entreprises de 50 à 250 salariés, l’employeur peut demander à être accompagné par un référent désigné par la DIRECCTE, aussi bien pour calculer les différents indicateurs que pour définir les mesures de correction à adopter.
Le niveau de résultat acceptable de l’index est fixé à 75 points. En deçà, l’entreprise doit prendre des mesures de corrections et, le cas échéant, programmer un rattrapage salarial. La négociation sur l’égalité doit alors inclure des mesures de correction adéquates et pertinentes et, le cas échéant, sur la programmation, annuelle ou pluriannuelle, des mesures financières de rattrapage salarial. En l’absence d’accord, il revient à l’employeur de déterminer ces mesures, après consultation du comité social et économique.
les indicateurs et le niveau de l’index sont mis à la disposition des membres du CSE et transmis au ministère du Travail.
L’entreprise dispose d’un délai de 3 ans pour rattraper son retard. Si, à l’issue de ce délai, les indicateurs montrent que l’entreprise est toujours en deçà des objectifs, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière d’un montant de 1 % de la masse salariale. Toutefois, la DIRECCTE peut octroyer à l’entreprise un délai supplémentaire d’1 an pour atteindre les 75 points. Elle tiendra compte de la bonne foi de l’employeur et des efforts témoignés en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Les difficultés économiques, restructurations, fusions et autres procédures collectives peuvent aussi entrer en considération.
si les entreprises de 1 000 salariés et plus ont dû publier leur index dès le 1er mars 2019, le législateur a donné un délai supplémentaire aux autres. Ainsi, les entreprises de 251 à 999 salariés doivent se conformer à cette obligation depuis le 1er septembre 2019, et les entreprises de 50 à 250 salariés à compter du 1er mars 2020.
Le contrôle
Les agents de contrôle de l’inspection sont chargés de contrôler l’application des dispositions relatives à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Ils peuvent exiger de l’employeur qu’il leur communique tous les documents ou les informations susceptibles d’établir le respect de ce principe.
Concernant l’index de l’égalité femmes-hommes, il leur revient aussi de constater et signaler à la DIRECCTE les cas d’entreprises qui n’auraient pas réalisé le rattrapage salarial dans les 3 ans.
Les recours
Comme en matière de discrimination, les salariés qui s’estiment victimes d’une inégalité salariale peuvent intenter une action en justice. C’est à l’employeur qu’il reviendra alors de prouver que l’inégalité de traitement est justifiée par un élément objectif étranger au sexe du salarié.
Les syndicats représentatifs au niveau national peuvent également exercer en justice les actions en violation du principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes à la place du salarié. L’intéressée doit avoir été informée par écrit de cette décision et ne pas s’y être opposée dans les 15 jours. Elle peut aussi intervenir à l’instance.
Bon à savoir
Dans leur rapport annuel d’activité, les branches doivent rendre compte de leurs actions en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que des outils mis à la disposition des entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.